Périphéries
La tyrannie de la réalité

Un essai de Mona Chollet
Folio Actuel, 2006/Calmann-Lévy, 2004

Revue de presse

Entremêlant le politique et le littéraire, cet essai se veut une remise en cause de la conception figée et autoflagellatoire que notre société se fait du réel, ainsi qu’un éloge de la rêverie comme moyen de réintroduire dans nos vies du mouvement, du lien, de la souplesse, de l’ailleurs, du mystère, du possible... Il passe en revue quelques aspects de notre rapport problématique au réel et à l’imaginaire : l’asphyxie actuelle de toute possibilité de repos et d’évasion psychiques en raison de la dureté croissante du travail et de l’angoisse du chômage (ce qu’un médecin du travail appelait la « colonisation du mental » par le travail) ; la méfiance viscérale à l’égard du rêve dont nous avons hérité, et dont il essaie d’éclairer un peu les origines et les présupposés culturels ; la vision du monde tronquée résultant de la recherche d’un point de vue « objectif », neutre et impersonnel (dans les médias, mais aussi chez certains romanciers) ; la tristesse et les désordres découlant de la conception du réel qui nous fait nous croire « séparés » à la fois de notre environnement naturel et de nos semblables... Tout en étudiant aussi les perversions du rêve, qui cherchent à faire « table rase » de ce qui existe (le bovarysme dans le domaine intime, le totalitarisme au niveau politique), il rappelle la nécessité et les bienfaits de l’imaginaire, « non pas pour “fuir la réalité”, mais au contraire pour se donner une chance de l’habiter pleinement ».

Outre un grand nombre de références aux résonances familières (Augustin Berque, Nancy Huston, John Berger, Jean Sur, Miguel Benasayag, Annie Le Brun, Rezvani, Robert Walser, Stevenson...), les lecteurs de Périphéries retrouveront çà et là dans La tyrannie de la réalité quelques bribes d’analyses développées au fil du temps sur le site. Même si l’essentiel du propos est original, le livre peut être considéré comme une tentative de synthèse de cet « atelier en ligne » que constitue Périphéries depuis six ans. Je m’aperçois même qu’il n’est rien d’autre qu’une version longue et très approfondie du tout premier édito (je suis bien consciente que le concept de « version longue d’un éditorial de Périphéries » est à même d’en faire frémir plus d’un, mais qu’on se rassure, sous forme de livre, la lecture est nettement plus agréable qu’à l’écran...). Ça doit être ce qui s’appelle être têtue - pour ne pas dire obsédée. Il ne me reste qu’à espérer que mes obsessions sont partagées...

Périphéries, août 2004
Site sous Spip
et sous licence Creative Commons
RSS